CONFERENCE "La sociologie belge est-elle née “coloniale” ?"

Dans le cadre du séminaire de l'Institut de Recherche en Sciences Sociales, le 𝐏𝐫𝐨𝐟𝐞𝐬𝐬𝐞𝐮𝐫 𝐌𝐚𝐫𝐜 𝐏𝐨𝐧𝐜𝐞𝐥𝐞𝐭 donnera une conférence le mardi 13 mai sur les rapports entre la sociologie et la naissance des sciences coloniales en Belgique.

Dès la fin du XIXe siècle, alors que la sociologie belge n’avait guère d’existence intellectuelle ou institutionnelle, quelques savants convoquèrent une « sociologie coloniale ». Les premières enquêtes ethnographiques virent le jour dans l’État léopoldien (1885-1908) au Congo. UCL et ULB via les cercles catholiques d’une part et les loges maçonniques d’autre part furent les premières au front via quelques universitaires proches de Léopold II. Le premier questionnaire ethnologique d’ampleur destiné à étudier les populations congolaises fut principalement élaboré par un professeur Liégeois de géographie au tournant des XIXe et XXe siècles. Il était associé à la première Société belge de sociologie née à Louvain

Ce questionnaire devait fournir la base d’une encyclopédie mondiale « des peuples de civilisation inférieure » !

Il s’agira ici de contextualiser les premiers moments de cette sociologie coloniale (1876-1918) de situer ses inspirations, ses ressorts politiques et ses ambitions scientifiques, ses influences (projetées plus que réelles) sur la doctrine et les pratiques du pouvoir colonial dont elle dépendit davantage que du pouvoir culturel national (si tant est que celui-ci existait). Il s’agit d’observer les conditions sociales et politiques, les ressorts et les conjonctures polémiques dans lesquels de petits mondes savants et bourgeois, opportunistes, idéologiquement divisés, mais portés par une euphorie de « l’expansion » tout autant scientifique que patriotique, voire nationaliste, contribuèrent à construire des cadres de connaissance relatifs à un monde lointain, dominé, sans voix. La vieille opposition doctrinale et libérale au colonialisme fut vaincue et la gauche naissante entérina rapidement les limites « raciales » de l’internationalisme prolétarien. La croisade missionnaire catholique suscita une ethnographie protéiforme et proliférante qui devait vaincre le dernier blanc ethnographique de la carte africaine et planter les bases de l’ethnographie du Congo Ruanda-Urundi pour le meilleur et pour le pire. Élaboré par la science du XIXe, l’empire cognitif de la race était encore largement dominant au début du XXe dans l’ensemble de l’intelligentsia européenne. Il se conjugua parfois de manière surprenante dans les premières ambitions de la sociologie coloniale quant au gouvernement des indigènes congolais ou une certaine opposition à l’évangélisation.

Cette sociologie du lointain-dominé bricolée et traversée par les lignes de force et péripéties du pouvoir national-colonial en construction, portée par une foi scientiste considérable participa-t-elle de la naissance d’une sociologie belge ? Comment ? Durablement ?

Joua-t-elle un rôle idéologique significatif pour nationaliser « l’œuvre léopoldienne » ? Quelles représentations, théories et concepts mobilisa-t-elle ? Quelles doctrines et pratiques de « politique indigène » y trouvèrent-elles inspiration et justification ?

Enfin, comment l’institutionnalisation de l’académie coloniale a permis à la Belgique de rejoindre le mouvement d’internationalisation scientifique que l’on dira plus tard « sciences d’outre-mer » ?

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